Joie. Bonheur. Félicité. L’affaire est dans le sac : vous emménagez dans votre nouvelle maison. Après tous les aléas de l’achat et du déménagement, vous pouvez enfin relâcher la vigilance, baisser la garde et profiter de votre acquisition.

C’est alors qu’en toute innocence, vous faites une série d’erreurs dont vous allez vous mordre les doigts. Des initiatives malheureuses, de petits oublis, de simples négligences qui causent des désagréments, coûtent cher et rendent la vie misérable.

Voici quelques-unes des chausse-trappes cachées dans votre propriété.

1. Ignorer les recommandations du rapport d’inspection

On se contente souvent de retenir la conclusion du rapport d’inspection – ouf, il n’y a pas de problèmes qui remettent en question la transaction! Mais on oublie ensuite les recommandations en apparence anodines : le réservoir de mazout a atteint sa durée de vie utile, la toiture montre des signes de fatigue, etc. Catastrophe appréhendée si on tarde à agir.  » Il faut prendre le temps de lire le document et appeler l’inspecteur s’il subsiste le moindre doute « , recommande Michel Labelle, conseiller au service conseil-habitation de CAA-Québec.

2. Manquer la visite d’inspection de sa maison neuve

Lors de la livraison d’une maison neuve, l’acheteur doit effectuer une visite des lieux avec l’entrepreneur avant d’en prendre possession. Ils doivent ensemble compléter une liste d’éléments à vérifier fournie par l’administrateur du plan de garantie de maisons neuves. Les malfaçons apparentes et les éléments non achevés qui y seront portés devront être corrigés par l’entrepreneur.

 » Il y en a encore qui ne complètent pas ce formulaire « , avise Bernard Lafrance, président de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction. Ces malheureux renoncent ainsi au parachèvement de leur maison et se privent de la correction des défauts apparents. Certains entrepreneurs accepteront de procéder de bonne foi aux réparations nécessaires, mais ils n’ont aucune obligation à cet égard. D’autres, par contre, font pression pour bâcler la visite d’inspection, indique M. Lafrance, ou pire, font signer la liste par l’acheteur sans aucune visite.

3. Négliger l’entretien préventif

Une maison nécessite un grand nombre de petits travaux d’entretien et de tournées d’inspection saisonnières. Votre cheminée a-t-elle été ramonée récemment? Les cadres des fenêtres ont-ils besoin d’un coup de pinceau? Les fissures dans l’asphalte de votre entrée de garage doivent-elles être comblées?

 » Il ne faut pas tenir pour acquis que parce que la maison est en état aujourd’hui, elle le sera encore dans cinq ou 10 ans « , prévient Charles Tanguay, cofondateur de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction. Négliger l’entretien vous fait courir le risque de laisser se dégrader une situation qui se serait facilement réglée si elle avait été abordée en temps opportun. Les travaux effectués en catastrophe coûteront vraisemblablement plus cher parce que vous n’aurez pas le choix de l’entrepreneur. Les meilleurs ont habituellement un calendrier chargé qui ne leur permettra pas de répondre à vos besoins urgents. « Les gens aiment faire des rénovations cosmétiques comme la cuisine, mais certains travaux essentiels et non apparents sont peut-être plus pressants », indique Charles Tanguay.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) propose un calendrier d’entretien pour la maison sur son site Internet (www.cmhc-schl.gc.ca). Selon Jacqueline Meunier, conseillère principale, recherche et diffusion d’information à la SCHL, il faut consacrer 0,5 % de la valeur de la maison pour l’entretien annuel et mettre de côté 1 % chaque année pour les rénovations plus importantes.

4. Oublier qu’il y a un terrain…

Le terrain est souvent négligé. Il peut pourtant être source de sérieux problèmes. Une pente descendante vers la maison drainera l’eau de pluie vers les fondations. Si celles-ci sont le moindrement lézardées, l’eau s’infiltrera au sous-sol. C’est pourquoi il vaut mieux remblayer l’abord de la maison pour redresser la pente du terrain. Ce point est fréquemment mentionné dans les rapports d’inspection, mais les nouveaux propriétaires préfèrent souvent détourner les yeux.  » Il suffit d’un peu de terre autour de la maison  » indique pourtant Bernard Gaudichon, coordonnateur technique chez Qualité Habitation.

5. Poser des clôtures au petit bonheur

Dans les nouveaux lotissements, les terrains sont largement ouverts, ce qui incite évidemment les heureux propriétaires à rapidement délimiter leur territoire.  » Dans un îlot de 20 maisons, raconte Michel Labelle, les propriétaires voisins se réunissent et s’improvisent arpenteurs avec un ruban à mesurer et une caisse de 12. « 

La méthode peut singulièrement manquer de précision, surtout quand le deuxième instrument est largement entamé.

Lorsqu’un voisin, quelque temps plus tard, s’apercevra que la clôture empiète sur son terrain, il demandera fort probablement à l’imprécis propriétaire de déplacer l’objet du litige.

Référez-vous à votre certificat de localisation. Si vous avez le moindre doute sur les limites de votre terrain, demandez à un arpenteur-géomètre d’en marquer les bornes.

Vous pouvez partager les coûts entre plusieurs voisins lors de travaux communs.

6. Isoler à outrance ou au mauvais endroit

Pour réduire les coûts de votre nouvelle résidence, vous vous êtes promis d’économiser dans les frais de chauffage. En conséquence, vous décidez d’améliorer l’isolation en doublant la couche d’isolant dans le comble.  » Depuis l’avènement des centres de matériaux à grande surface, on voit les gens acheter pour 1000 $ d’isolant le samedi matin « , raconte Michel Labelle. Un surplus d’isolant n’améliore pas nécessairement la situation. Il y a même des risques d’obturer les orifices d’aération du comble. Résultat, le taux d’humidité monte en flèche, avec de néfastes conséquences: condensation et détérioration des matériaux. Ou encore, on change l’ensemble des fenêtres alors qu’il suffisait d’en refaire le calfeutrage: on jette 8000 $ par les fenêtres plutôt que de débourser 75 $ en tubes de pâte à calfeutrer. Avant de dépenser temps, argent et énergie aux mauvais endroits, Michel Labelle recommande d’investir dans une inspection énergétique de l’Agence de l’efficacité énergétique. Un conseiller se rendra chez vous pour évaluer quels sont les améliorations que vous pouvez apporter afin de réduire la consommation d’énergie de votre maison. Le rapport écrit comprend les travaux et matériaux recommandés ainsi que leurs coûts approximatifs. Ce sont 150 $ bien placés, assure Michel Labelle. Les travaux peuvent donner droit à une subvention d’un maximum de 3348 $.

7. Surestimer ses capacités en bricolage

L’achat de votre nouvelle maison vient de réveiller en vous la fibre du rénovateur. Vous êtes un bricoleur, vous êtes capable- c’est du moins ce dont veulent vous convaincre certains centres de rénovation. Fort bien. Mais toutes les rénovations ne sont pas nécessairement à votre portée, et certaines de vos initiatives peuvent faire beaucoup plus de mal que de bien. Un exemple: vous voulez poser un ventilateur dans votre salle de bains, qui s’en trouve cruellement dépourvue, ce qui transforme la moindre douche en sauna. Mais plutôt que de mener le conduit d’évacuation jusqu’à l’extérieur de la maison, vous vous contentez de laisser s’échapper l’air chaud humide dans le comble. Résultat: problèmes d’humidité et de condensation, suivis d’une dégradation des matériaux. Ou encore, vous remplacez le revêtement de vinyle de la cuisine par de splendides carreaux de céramique au fini antique, importés d’Italie. Mais vous négligez de renforcer le sous-plancher. Avant longtemps, des fissures ajouteront à l’authenticité de votre fini antique. Ne présumez pas de vos capacités. Progressez par étape, à partir de travaux simples et faciles. Consultez des professionnels et assurez-vous que la documentation est précise, à jour, et qu’elle respecte les codes de construction. En cas de doute, confiez les travaux à un expert.

8. Dépenser la réserve pour les taxes

Vous flambez en meubles et en décoration tout l’argent que vous aviez mis de côté pour les taxes foncières et scolaires, ainsi que pour les droits de mutation. Ces montants sont prévus au budget, mais la nature humaine est ainsi faite qu’on préfère oublier leur échéance et parer au plus pressé. Inévitablement, les municipalités nous rappelleront à l’ordre en ajoutant des intérêts pour stimuler notre attention. Où trouver l’argent nécessaire? Autre exemple cité par Bernard Gaudichon, coordonnateur technique chez Qualité Habitation: une fois l’offre d’achat acceptée, certains nouveaux acquéreurs se précipitent chez un marchand pour acheter 10 000 $ de meubles- à crédit. Mauvaise surprise: en raison de cette nouvelle dette, l’institution financière refuse le prêt hypothécaire préalablement autorisé. Morale de l’histoire: il ne faut pas acheter la peau de l’ours avant de l’avoir tué. On s’occupera de décoration quand les dépenses essentielles seront acquittées. L’aménagement entraîne des surprises et coûte toujours plus cher que prévu. Mieux vaut constituer une réserve de 2000 $ ou 3000 $, conseille Bernard Gaudichon, avant d’engager des dépenses strictement esthétiques.

9. Sortir les pinceaux trop vite

Vous venez de prendre possession de votre maison neuve. Soulevé par un enthousiasme compréhensif, mais hâtif, vous vous lancez dans la décoration: peinture, papier peint. Quelques mois plus tard, des fissures apparaissent dans certains murs et déchirent le précieux papier peint dont vous aviez acheté les derniers rouleaux d’un modèle épuisé. Ennuyeux, mais normal: en raison de l’humidité des matériaux, la structure n’est pas encore parfaitement stabilisée et des retraits se produisent durant les 12 à 18 premiers mois. Certains constructeurs incluent d’ailleurs dans le contrat une visite d’ajustement 12 mois après la prise de possession. Pour vous éviter des efforts et des dépenses inutiles, attendez un an avant d’appliquer les somptueux coloris qui habitent votre imaginaire.

10. Gare! au travail au noir

Vous venez d’acheter une maison, en ayant en tête des travaux de rénovation pour remodeler la cuisine, agrandir la salle de bains ou aménager le sous-sol. Mais vos finances sont un peu à l’étroit après cet important achat; vous avez donc prévu faire appel à un travailleur au noir. Imprudence. Peut-être les travaux seront-ils impeccables. Mais il y a nettement plus de risques de problèmes que si vous faites appel à un entrepreneur qualifié, dont vous aurez vérifié la licence auprès de la Régie du bâtiment. Et si des problèmes surviennent, vos recours sont fort limités.

11. Le respect des servitudes

Nouveau propriétaire d’un duplex, vous faites changer l’escalier arrière en colimaçon. Mais plutôt que de déboucher vers l’arrière du terrain comme auparavant, le nouvel escalier est orienté vers le proche voisin de droite. Vous créez ainsi une vue irrégulière sur ce belliqueux voisin qui vous oblige à reprendre les travaux. Le même problème peut survenir lors de l’agrandissement d’un balcon. Autre exemple: vous faites creuser une piscine dans votre cour, mais elle empiète sur la servitude d’Hydro-Québec, qui vous oblige à déplacer le bassin. En conclusion, au moment de planifier des travaux qui pourraient contrevenir aux règles sur les vues et aux servitudes- l’ajout d’une fenêtre sur un mur latéral, par exemple-, renseignez-vous auprès du service des permis ou d’urbanisme de votre municipalité. Si vous comptez installer une piscine, communiquez avec Hydro-Québec au numéro qui apparaît en haut à droite sur votre facture. Leurs spécialistes pourront vous aider à choisir l’emplacement de votre piscine. Ce service est gratuit.

12. Céder aux démarcheurs

Les fournisseurs de service de toutes sortes se ruent à votre porte dès que vous emménagez: mazout, émondage, nettoyage, entretien, réparation, rénovation.  » Le premier juillet, ils sont tous dans la rue, lance Jacqueline Meunier, de la SCHL. Mais ça ne veut pas dire qu’ils sont moins chers.  » Et ça ne veut pas dire non plus que vous avez besoin de ces services. Un nettoyage des conduits du système de chauffage, par exemple, est fort probablement superflu. Prenez votre décision la tête reposée. Ne signez rien sur le champ, recommande Mme Meunier et demandez trois soumissions avant de faire un choix.

13. Les gestes précipités

S’il n’y a pas d’urgence, attendez un an après l’emménagement avant d’entreprendre les grands travaux, énonce Jacqueline Meunier. Une maison réagit comme un système, différemment à chaque saison. Il faut donc apprendre à la connaître avant d’entreprendre un changement qui pourrait affecter son équilibre. L’installation de fenêtres plus étanches pourrait ainsi mener au changement du système de ventilation, parce qu’il n’assure plus le remplacement d’air nécessaire. Si on change le système de chauffage avant de connaître son rendement hivernal, on risque d’opter pour un modèle mal adapté. Durant la première année, Jacqueline Meunier recommande de faire un tour complet de la maison à chaque saison, de surveiller comment elle réagit et de prendre note des problèmes à corriger.

Adresses utiles

Association des consommateurs (ACQC) pour la qualité dans la construction : 1 877 MAISONS

Agence de l’efficacité énergétique pour une inspection énergétique : 1 877 727-6655 ou www.aee.gouv.qc.ca

Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) : (514) 283-2222, (514) 283-4464, ou www.cmhc-schl.gc.ca

Info-Excavation : (514) 286-9228 à Montréal ou 1 800 663-9228 ailleurs au Québec.

Régie du bâtiment qualification des entrepreneurs : (514) 873-0976, 1 800 361-0761 ou www.rbq.gouv.qc.ca

Auteur : Tison, Marc
Source : La Presse Affaires, dimanche 13 juin 2004