Quinze designers et spécialistes renommés nous révèlent chacun une erreur courante d’aménagement qu’ils ont observée. Nous leur avons demandé des explications et, surtout, des solutions.

«Identifiez-nous une erreur courante d’aménagement?» Cette question, nous l’avons posée à 15 designers et spécialistes du milieu. Tous les goûts étant dans la nature, les différents styles décoratifs ont été écartés. Les experts nous livrent plutôt des avis et des solutions souvent faciles à appliquer.

1. Surabondance de souvenirs et de meubles.

«Un souvenir parmi trop d’objets perd de sa valeur», explique Jason Shatilla.

Solution: Privilégier un souvenir précieux, comme le portrait ou le meuble hérité d’un grand-parent, en libérant l’espace autour. Quant à l’aménagement des meubles, il vaut mieux les choisir soigneusement et aller à l’essentiel. Ainsi, des commodes encombrantes peuvent être remplacées par un rangement intégré, comme un walk-in. «Je préfère miser sur la lumière et l’architecture intérieure plutôt que sur l’abondance de pièces de mobilier», résume-t-il.

2. Tableaux et photos de famille accrochés trop haut.

Conséquence? Une impression de déséquilibre est créée. «Les photos nous parlent beaucoup moins, car il faut lever la tête pour les admirer», ajoute Pascale Vaillancourt.

Solution: Le centre du tableau devrait se trouver à la hauteur du regard d’une personne de taille moyenne. Surtout, ne pas trop les espacer. Un truc pour créer une unité: regrouper les tableaux qui ont des cadres semblables. Une photo dotée d’un passe-partout blanc sera mise en valeur, affirme Pascale Vaillancourt qui adore réaliser des «minifilms» de famille. Comment? En prenant, par exemple, trois photos à court intervalle, lors d’un même événement (baignade, pique-nique, etc.). Idéalement, les trois photos sont horizontales ou verticales. Résultat? L’émotion du moment est captée avec brio. «Pour un effet plus contemporain, j’abaisse légèrement les tableaux, à environ 10 cm sous le regard», termine-t-elle.

3. Reproduction d’un décor de magazine (ou d’une salle de montre) chez soi.

«C’est comme si quelqu’un empruntait la façon de vivre d’un autre. C’est impersonnel et il n’y a aucun attachement, critique Bruno Braën. À la limite, je préfère une maison remplie d’horreurs. Si les habitants s’y sentent bien et qu’ils sont sympathiques, ça devient touchant, presque poétique.»

Solution: Réfléchir à ses besoins et à ses envies avant d’aménager son environnement. Désire-t-on flasher avec de grands soupers ou cocooner en amoureux? Veut-on une maison toujours rangée ou savamment bordélique? Les réponses guideront l’aménagement.

4. Téléviseurs à écran plat disproportionnés.

Le problème est d’opter pour un téléviseur à écran plat surdimensionné par rapport à la taille de la pièce dans laquelle il est installé. Conséquence? «Ça peut être inconfortable ou même néfaste pour celui ou celle qui regarde la télé», glisse Annie Lacaille.

Solution: Respecter les distances recommandées entre le téléviseur et l’utilisateur. Surtout, choisir le bon format, car tout est une question de proportion. «Cette règle des volumes, des proportions et de l’équilibre vaut aussi pour les grosses pièces de mobilier, comme les canapés», explique-t-elle.

5. Murs à angle de 45 degrés.

Ils peuvent créer un bel effet dramatique dans un espace surdimensionné, comme un hôtel, mais dans une maison de taille moyenne, ils causent très souvent des problèmes d’aménagement et une perte d’espace, note Jean-Michel Gauvreau.

Solution: Corriger l’angle de certaines cloisons si on achète une maison sur plan. Sinon, dans une construction, on peut rétablir l’angle à 90 degrés grâce à des rénovations. «C’est le même problème avec des meubles posés en diagonale, dit-il. On perd beaucoup d’espace derrière un lit ou un divan en angle.»

6. Trop grande variété de couleurs des teintures de bois.

Il y a celles des planchers, des moulure et des meubles. «Sans compter que les vernis vieillissants s’encrassent et foncent», précise Rollande Vachon.

Solution: Harmoniser les couleurs de bois. Dans le cas de moulures endommagées, on peut les décaper et choisir une teinte semblable à celle du plancher. Solution économique? Les sabler, les corriger, poser un apprêt et les laquer en blanc ou en crème lustré. Quant aux meubles aux bois variés, on peut conserver les plus beaux et patiner les autres en blanc cassé. «Au Québec, c’est encore tabou de peindre du bois. Mais l’effet peut être très réussi», ajoute la styliste.

7. Pièces surdimensionnées et suréquipées.

Le phénomène de la surconsommation gagne l’aménagement intérieur, constate Sylvie Drouin. En clair, il arrive qu’il y ait une disproportion entre les besoins réels des résidants et la taille des pièces de leur habitation. Exemple: la construction de salles de bains immenses dotées d’une très grosse baignoire. «Ces salles de bains sont parfois aussi vastes qu’une pièce de vie», dit-elle. Même phénomène pour les méga «chambres des maîtres».

Solution: Fragmenter une grande salle d’eau en deux grâce à une porte coulissante. La première pièce fait office de cabinet de toilette (comportant les toilettes et un lavabo), alors que l’autre contient la baignoire et la douche. Ainsi, pendant qu’un membre de la famille se douche, un autre peut utiliser le cabinet de toilette et l’intimité de tous est préservée.

8. Pièce trop et mal éclairée.

«Ça délave tout. Rien n’est rehaussé. Un mauvais éclairage peut détruire un superbe décor. Sans compter qu’il n’est pas flatteur pour les gens», rappelle Scott Yetman.

Solution: Un bon éclairage des pièces de la maison est primordial. Il faut donc le planifier soigneusement avant de commencer les travaux de rénovation. Évitez aussi d’installer des sources lumineuses uniquement au plafond. Une variété de luminaires (appliques, lampes de table, encastrés, etc.) devrait être privilégiée.

9. Profusion des couleurs de peinture sur les murs.

«Pendant des années, les gens n’en avaient que pour les murs couleur ivoire. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Dans certaines maisons, il y tellement de couleurs que l’on se croirait dans un cirque», constate Richard Bélanger.

Solution: Choisir les coloris avec parcimonie. On peut, entre autres, assortir la couleur d’un mur à celle présente dans un tissu (coussins, housses, etc.). Attention: il n’est pas souhaitable de peindre une chambre vert pomme si cette teinte est celle qui domine sur un grand lit. L’effet sera trop appuyé. Solution magique? «Il n’y a rien de tel que des murs blancs ou neutres pour mettre en valeur un élément très coloré», indique le designer.

10. Aménagement intérieur qui détonne avec le style de l’extérieur.

«J’ai déjà vu une maison victorienne dont l’intérieur était tout chinois. L’effet était contradictoire, car il n’y avait aucune relation entre l’intérieur et l’extérieur», raconte Aude Louis.

Solution: Harmoniser le style architectural de la maison à celui de l’aménagement intérieur. Sinon, il est souhaitable d’opter pour un extérieur très neutre. Dans ce cas, on peut être follement excentrique à l’intérieur. «C’est un peu comme une boîte à bijoux», suggère la spécialiste.

11. Orgie de matériaux.

Un excès de matériaux différents (marbre, granit, céramique, inox, bois, cubes de verre, etc.) dans une même pièce peut ressembler à une pizza.

Solution: La sobriété. Au moment d’acheter des matériaux, il est indiqué de privilégier un style plutôt que de tout choisir. «Si votre plancher est en céramique, vous pouvez, par exemple, poser une céramique semblable dans des dimensions différentes pour le dosseret», suggère Andrée Pellerin Beck.

12. Meubles appuyés contre les murs.

«Bien des gens ont le réflexe de coller tous leurs meubles contre les murs», note Jean-Guy Chabauty.

Solution: On peut laisser environ 15 centimètres entre un mur et un canapé. Cet aménagement permet de laisser «respirer» l’espace. «Dernièrement, j’ai même posé un de mes larges canapés (1,37m de profond) au centre d’un salon et c’était magnifique», confie le designer. Les meubles rembourrés (au beau dos!) peuvent servir de «séparateurs» dans un espace décloisonné. Enfin, les fauteuils sont des pièces de mobilier qui adoptent aisément différentes positions dans une pièce.

13. Décor neuf, mais monotone.

Même neuf, un décor aux couleurs (trop) neutres peut manquer de caractère.

Solution: L’ajout d’une couleur audacieuse (rouge chinois, turquoise, aubergine, etc.) donne de la vie à une gamme de teintes naturelles. «Ça peut être une touche de couleur sous forme d’accessoire (divan, lustre) ou de peinture et elle devrait représenter environ 10% de l’aménagement», illustre Manon LeBlanc. La clé? Choisir un seul élément coloré, de préférence imposant. «Un léger rappel de couleur peut être fait dans des accessoires, comme des coussins, mais ce n’est pas obligatoire», précise-t-elle.

14. Accessoires achetés en paire.

Plusieurs personnes ont l’habitude de tout acheter en duo: deux lampes, deux plantes, deux vases, deux chandeliers sur le manteau de la cheminée…

Solution: Expérimenter la règle des «groupes de trois». Pourquoi? «La composition graphique d’un regroupement de trois accessoires est souvent plus intéressante que celle d’une paire, soutient Michèle Bélair-Pagnetti. Mais il n’y a pas de règle absolue en déco. Certains duos peuvent être très réussis, comme deux fauteuils dans une pièce», nuance-t-elle.

15. Rideaux coupés trop courts.

Solution: Les tentures devraient effleurer le plancher, conseille Mario Patenaude. L’avantage des rideaux longs? Ils traduisent un esprit d’opulence. Dans un espace décloisonné cuisine, salle à manger, salon -, il est souhaitable que toutes les fenêtres aient le même traitement, poursuit le designer. Enfin, s’il y a une plinthe électrique sous la fenêtre, il est possible notamment d’acheter des protège-rideaux. Ces tiges s’installent sur la plinthe et repoussent le tissu pour éviter une surchauffe. On les trouve dans les grandes quincailleries.

Notre jury d’experts:

Andrée Pellerin Beck, designer d’intérieur et coloriste.
Jean-Guy Chabauty, designer, propriétaire de la boutique Moderno.
Jason Shatilla, designer, cofondateur de Surface 3.
Bruno Braën, designer autodidacte et fondateur du Cabinet Braun-Braën.
Pascale Vaillancourt, designer d’intérieur, présidente de CDID design.
Manon LeBlanc, directrice du magazine Inspiration, animatrice et directrice artistique de l’émission Manon, tu m’inspires!
Mario Patenaude, designer d’intérieur pour René Desjardins Design.
Michèle Bélair-Pagnetti, designer d’intérieur, présidente d’Intérieurs Bélair Pagnetti.
Richard Bélanger, designer.
Aude Louis, diplômée en architecture, cofondatrice du cabinet Hairarchi design.
Annie Lacaille, designer d’intérieur.
Sylvie Drouin, designer, copropriétaire de l’agence Foti & Drouin designers.
Scott Yetman, designer d’intérieur, SDIQ, ASID.
Rollande Vachon, styliste, propriétaire de Moutarde décor et Moutarde design.
Jean-Michel Gauvreau, designer, fondateur de Gau Designs Concepts.

Source La Presse