Avec le printemps reviennent les travaux d’aménagement de la propriété et les incidents de frontière entre voisins. Pour prévenir les problèmes, il faut prendre les mesures appropriées.

Le soleil se montre de plus en plus, mais Denise Archambault n’en profitera pas autant qu’elle le souhaiterait. Au coeur de l’été, dès 12h30, sa piscine sera plongée dans l’ombre de l’arbre de son voisin. «Ça m’a forcée à faire l’acquisition d’un chauffe-piscine, car le soleil ne parvenait pas à réchauffer l’eau», raconte-t-elle.

Elle a offert à son voisin de lui payer un émondage à intervalle de deux ans. Peine perdue. «J’ai deux possibilités, exprime Denise Archambault, qui est par ailleurs notaire. Je continue à endurer la situation, ou je vais en cour en me basant sur un jugement qui a obligé un propriétaire à abattre son arbre, parce qu’il empêchait l’ensoleillement de la cour du voisin. Le juge a basé sa décision sur le fait que notre été est court, qu’on veut en profiter sur notre terrain pour jouir de nos installations, et que le soleil fait partie de ces installations.»

Le procès est cependant une issue peu probable. Car les différends entre voisins se résument souvent à ce dilemme, décrit la notaire: je suis dans mon droit, mais jusqu’à quel point suis-je prêt à me faire un ennemi de mon voisin en recourant à un tribunal?

Dans la mesure du possible, mieux vaut donc prévenir que poursuivre. Surtout ni nous sommes nous-mêmes à l’origine – involontaire – du conflit. L’installation d’une nouvelle clôture en est l’exemple classique, et a d’ailleurs donné son nom au phénomène.

«Avec une clôture, exprime Denise Archambault, l’erreur consiste à prendre le certificat de localisation et le ruban à mesurer, à faire une marque à X pieds du coin de la maison et à installer la clôture. Ce n’est jamais exact. Le ruban a pu glisser, le revêtement de la maison a peut-être été remplacé… Quand on pose une clôture ou une haie, on fait venir un arpenteur et on fait faire un piquetage, ce qu’un certificat de localisation ne comprend pas.»

Le certificat de localisation est en quelque sorte «l’autopsie d’une propriété, à un temps donné», selon l’expression de l’arpenteur-géomètre Luc Lévesque. Outre un rapport sur les droits et servitudes rattachés à la propriété, il inclut bien un plan, mais celui-ci ne fait que positionner le bâtiment à l’intérieur des limites du terrain.

«Certaines personnes vont utiliser la cote inscrite sur le certificat de localisation pour placer un élément de séparation, une clôture par exemple, constate Luc Lévesque. La mesure peut être bonne à l’avant de la propriété, mais la ligne n’est pas nécessairement parallèle à la maison. Il peut y avoir un écart important si les gens ne se fient qu’à la cote. Si on n’est pas initié aux mesures d’arpentage, il est difficile de positionner une clôture.»

En somme, si on nourrit le moindre doute sur la position exacte de la séparation, mieux vaut investir les quelque 850$ nécessaires à un piquetage expert.

«Notre programme d’automatisation du réseau vise à réduire la durée des interruptions de service et le nombre de clients touchés», explique M. Rousseau. De ce côté, rien à faire non plus. Selon les conditions de service d’Hydro-Québec, celle-ci «doit pouvoir installer, gratuitement, sur la propriété à desservir, à des endroits faciles d’accès et sécuritaires et convenus avec le requérant, tous les équipements nécessaires au service, à la livraison, au contrôle et au mesurage de l’électricité, incluant les équipements de la ligne si une partie de celle-ci sert à l’alimentation électrique de cette propriété».

Bref, rien n’empêche l’auguste société d’installer un bidule industriel à l’avant d’une propriété, dont le propriétaire subit par ailleurs les encouragements de la municipalité à la fleurir, l’embellir, l’aménager.

«La technologie implantée par Hydro-Québec pour automatiser son réseau de distribution est déjà utilisée efficacement dans d’autres pays, comme la France et les États-Unis», fait valoir M. Rousseau. Reste à savoir si les Français et les Américains la flanquent en façade des résidences.

Clôtures mitoyennes

Pour cerner votre terrain, vous pouvez installer une clôture, une haie, un muret ou un fossé selon votre goût, tant que vous respectez les règlements, que l’ouvrage tienne compte de la situation et de l’usage des lieux, et que vous l’installez à l’intérieur des limites de votre propriété.

Vous pouvez également partager avec votre voisin les frais d’intallation et d’entretien d’une construction mitoyenne. S’il refuse, vous pouvez tenter de l’y contraindre par jugement, mais la procédure est incertaine et coûteuse, tant en frais juridiques qu’en récriminations longuement ruminées.

Mieux vaut donc s’entendre avec lui avant d’ériger une muraille en pierres de taille.

Parce que son voisin refusait de partager les coûts de la clôture qu’il souhaitait mitoyenne, un propriétaire l’a installée à l’intérieur des limites de son terrain et l’a fait peindre d’un orange flamboyant du côté de son voisin. Ce dernier a réagi : il en a installé une sur sa propriété, plus haute – et plus laide – que la muraille orange qu’il a ainsi fait disparaître de sa vue. Le voisin gonflable dans sa plus terrible expression…

Entretien chez, et avec, le voisin

Votre haie ou votre clôture est bien sur votre terrain, mais son entretien nécessite un accès des deux côtés. Pouvez-vous passer sur le terrain du voisin ? «Oui, mais pas à n’importe quelles conditions, répond la notaire Denise Archambault. On ne doit pas piétiner sa plate-bande, ou l’empêcher de prendre du soleil par un beau samedi après-midi. Il n’y a pas de règles écrites, mais en somme, on ne doit pas abuser de notre droit et déranger notre voisin.»

Arbre et émondage

Les pommes de votre pommier tombent à répétition sur la tête de votre voisin, le grincheux M. Newton ? Il pourrait prendre la chose avec gravité et vous obliger à remédier à la situation. Si les branches ou les racines de votre arbre s’étendent jusqu’au terrain du voisin et lui causent préjudices, il est en effet en droit de vous demander – gentiment – de couper les coupables. Vous refusez? Il pourra en faire la demande par lettre enregistrée. Vous refusez toujours? «Il a alors le droit de procéder à un émondage dans la mesure où il n’endommage pas votre arbre», indique Denise Archambault.

Hausse de terrain et de ton

Vous haussez votre terrain ou votre entrée de garage? «On ne peut empêcher le déversement naturel des eaux, explique la notaire Denise Archambault, mais si je surélève mon terrain, ce n’est plus de l’écoulement naturel et je suis responsable des dommages causés chez le voisin.»

Le même principe s’applique aux gouttières, qui ne peuvent déverser leur contenu sur le terrain du voisin. L’arrosé peut exiger que des modifications soient apportées aux installations de l’arroseur.

Le principe s’étend à un abri d’auto temporaire dont le toit laisserait glisser la neige dans l’entrée du voisin. Le fautif devra manier la pelle, ce qu’il souhaitait justement éviter.

Empiètement

Vous avez érigé – de bonne foi – une construction qui empiète partiellement sur le terrain de votre voisin ? Il peut vous demander de déplacer la construction si elle est temporaire (et même de le dédommager pour la durée de l’occupation), ou d’acheter la parcelle de terrain que vous occupez, si la construction est permanente.

Les ruelles

À qui appartient la ruelle qui borde votre propriété, et que vous occupez peut-être ?

Il y a quatre cas de figure.

La ruelle est publique – elle appartient à la ville – et est ouverte à la circulation. Pas de litige.

La ruelle est privée, mais elle est ouverte au passage :«La charte de la Ville de Montréal permet de déclarer publique toute place ou ruelle privée ouverte depuis cinq ans», énonce Luc Lévesque.

La ruelle est privée mais occupée par les riverains. Avec le temps, si le propriétaire n’a pas réagi, une prescription s’applique: les propriétaires riverains peuvent demander à un tribunal de confirmer l’occupation effective du terrain.

La ruelle est publique mais elle est occupée par les riverains : il ne peut y avoir prescription contre le domaine public. La Ville peut cependant accepter ou décider de céder les lots. Les problèmes surviennent lorsqu’un propriétaire décide qu’il veut avoir accès à sa cour arrière en voiture, et demande à la Ville d’ouvrir la ruelle…

Chicane de voisins… avec Hydro-Québec

À son retour de vacances, l’automne dernier, un résidant d’Anjou s’est aperçu avec consternation que l’un des conifères qui ornent le devant de sa résidence avait perdu sa cime. Il avait été raccourci par les émondeurs mandatés par Hydro-Québec, pour dégager les fils électriques qui courent le long de la rue. «La coupe a été de plus de 4 m, alors qu’une épinette ne croît pas de 30 mm par année», déplore-t-il.

Dans l’île de Montréal, 40 % des pannes de courant sont causées par des branches qui entrent en contact avec des lignes électriques, explique Jean-Philippe Rousseau, conseiller en relations avec le milieu chez Hydro-Québec. Un unique entrepreneur spécialisé est mandaté par Hydro-Québec pour pratiquer les coupes nécessaires, soit en V, soit latérales, dans le cadre d’un programme d’entretien cyclique de quatre ans. «On convient que ce n’est pas esthétique, mais les coupes sont sécuritaires pour l’arbre et elles protègent le système de distribution», insiste-t-il.

L’épinette de notre lecteur passait au travers de deux lignes électriques. La coupe a ramené sa cime à 1,5 m sous les fils. «On aurait pu l’étêter jusqu’à 3 m sous les lignes», précise M. Rousseau.

Les furoncles électriques

Un peu plus loin dans sa rue, le même Angevin a été témoin de l’installation, sur le poteau qui se dresse devant la maison d’un voisin, d’un boîtier électrique de commande à distance par Hydro-Québec. L’appareil a l’élégance, la taille et la couleur d’un classeur à trois tiroirs format juridique. «C’est décidément très joli et cela doit augmenter la valeur des propriétés», ironise notre lecteur.

Lors d’interruptions de courant causées par exemple par le contact d’une branche avec la ligne, ces dispositifs permettent de remettre le courant sans qu’une équipe n’ait à se déplacer.

Construire n’importe quoi, n’importe où?

Même quand vous êtes bien dans les limites de votre propriété, vous ne pouvez construire n’importe quoi, n’importe comment ou n’importe où.

Vous devez respecter les règlements municipaux ou provinciaux. Par exemple, une terrasse en bois pourrait devoir être érigée à une distance minimale de 2 m des limites de propriété latérale ou arrière. À vérifier…

La municipalité se réserve souvent une marge de recul, c’est-à-dire une bande de terrain sur la limite de propriété qui borde une voie publique. Le propriétaire doit faire l’entretien de la bande en question, mais tout aménagement qu’il y installera pourrait devoir être retiré si des travaux de voirie étaient nécessaires. Ainsi, certains arrondissements montréalais ont décrété qu’une haie ne pourra être plantée à moins de 1,5 m du trottoir public, de telle sorte qu’une fois taillée, elle dégage un espace d’un mètre au trottoir.

Les servitudes

Les entreprises de services publics – électricité, téléphone – doivent avoir accès aux lignes de distribution. Si ces lignes bordent le terrain, comme c’est souvent le cas, ces entreprises ont droit à une servitude de 1,5 mètre. Cette bande ne leur appartient pas, mais le propriétaire ne peut y installer de constructions permanentes – un garage ou une piscine, par exemple. Le propriétaire trop entreprenant pourrait être obligé de les démolir ou de les déplacer. Une remise est tolérée, dans la mesure où ses fondations ne sont pas permanentes et qu’elle peut être déplacée si nécessaire.

«Pour régulariser une situation, on peut demander une dérogation au service public ou à la Ville, mais rien ne les oblige à accepter», explique Luc Lévesque. «Il faut toujours consulter le certificat de localisation avant la construction de n’importe quelle structure permanente.»

Piquetage ou bornage?

Vous voulez vous assurer que le muret, la clôture ou la terrasse dont vous prévoyez l’érection respecte les limites de votre propriété ? C’est un piquetage effectué par un arpenteur-géomètre qu’il vous faut.

Il s’appuiera sur les titres, le cadastre, l’occupation du terrain, et des mesures d’arpentage pour «indiquer, au moyen de repères de piquetage, son opinion sur les limites de la propriété». Ce travail est une opinion unilatérale, que l’arpenteur-géomètre n’exprimera qu’au bénéfice de son client.

Si ses travaux l’amènent à conclure que la pose de repères serait «susceptible de troubler la possession» du client ou d’un de ses voisins – en d’autres mots, qui mettrait le voisin en maudit parce que le repère se retrouverait sur ce qu’il croit être son terrain -, l’arpenteur fera rapport de la situation sans poser de repères.

Seul un bornage permettra alors de vider la question. «Lorsqu’il y a le moindre litige sur les limites de la propriété, un bordage est nécessaire», affirme Raymond Houde, de l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec.

Le bornage fixera la limite entre deux propriétés contiguës d’une façon permanente et irrévocable. Idéalement, vous vous entendrez avec votre voisin sur la nécessité du bornage et sur le choix d’un arpenteur-géomètre. Les frais sont partagés également entre les deux propriétaires.

L’arpenteur-géomètre étudiera le cadastre, analysera les titres de propriétés, vérifiera les limites apparentes des propriétés voisines. Si les deux propriétaires acceptent les conclusions de son rapport, l’expert installera les bornes correspondantes. «Le bornage est enregistré, comme un titre, une servitude ou une hypothèque, au Bureau de la publicité des droits», rappelle l’arpenteur-géomètre Luc Lévesque.

Si les conclusions de l’expert sont refusées par l’une ou l’autre des parties, c’est un tribunal qui tranchera.

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LES COÛTS D’ARPENTAGE

Voici quelques tarifs suggérés par l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec

– Certificat de localisation (maison unifamiliale en milieu urbain): 850$

– Implantation et certificat de localisation (maison unifamiliale isolée): 1210$

– Piquetage et certificat de piquetage (cas isolé): 850 $

Le prix d’un bornage est plus élevé que celui d’un piquetage, en raison des vérifications plus approfondies que l’expert entreprendra et des possibles contestations. Mais règle générale, estime Raymond Houde, «le bornage ne coûte pas plus cher qu’un piquetage, parce qu’il est effectué à frais partagés».

À CONSULTER :

– Site de l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec : www.oagq.qc.ca (voir FAQ)

– Les rapports de voisinage, sur le site du ministère de la Justice du Québec, sous Publications ; Informations générales ; Vivre en société. (http://www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/generale/voisin.htm)

Source La Presse Montréal