Dans le cadre de la chronique de Claude Chiasson publier dans le journal Le Devoir.

J’ignore si vous considérerez que cette question a suffisamment de portée pour que vous y répondiez dans le cadre de votre chronique. Vous devez être très sollicité… Je comprendrai… Je vous envoie tout de même ma question. Dans le cas d’un achat/vente de la maison commune entre conjoints qui se séparent, voici la situation:

La maison est entièrement payée. Nous sommes deux propriétaires à parts égales.

Au cours de notre vie commune, une hypothèque a été prise sur cette maison pour permettre au conjoint d’acheter des immeubles à revenus. La conjointe n’est par ailleurs aucunement engagée dans la transaction, ni dans l’achat, ni dans la gestion de ces immeubles, autrement que par le biais de cette fameuse hypothèque prise pour baisser la part de l’emprunt.

Les conjoints se séparent et la conjointe (moi), qui reste avec une fille aux études, souhaite acheter la part de la maison familiale appartenant au conjoint.

La maison est donc hypothéquée, et nous n’avons aucune entente qui « reconnaisse » le levier financier qu’a représenté mon acceptation de l’usage de la valeur de notre maison commune pour l’achat des immeubles.

Voici ma question: est-ce légitime de penser que le fait d’avoir accepté d’hypothéquer notre maison commune pour l’achat d’immeubles à revenus représente « une valeur » à faire reconnaître lors de la négociation du prix de vente de la portion de la maison appartenant au conjoint? Comment calculer sur une base équitable cette valeur?

Ou bien ce questionnement est-il tout simplement une vue de l’esprit ou encore une réaction à retardement inutile? J’ai peu d’expérience dans ce domaine… Vos conseils seront certainement les bienvenus.

V. L.

J’ose espérer qu’il existe une bonne entente avec votre conjoint. Car, s’il est intègre, il doit reconnaître que l’emprunt contracté sur la résidence principale (propriété partagée à parts égales entre conjoints) n’a servi finalement que pour lui. C’est-à-dire que l’emprunt sur un bien commun lui a permis d’acquérir des propriétés à revenus dont la valeur marchande s’est probablement appréciée au cours des dernières années.

Normalement, vous, la conjointe, auriez dû exiger que les propriétés à revenus soient acquises au nom des deux conjoints et non uniquement au nom d’un conjoint, en l’occurrence, votre mari. Et, en toute légitimité, vous auriez dû profiter en parts égales de la plus-value résultante de ces propriétés. Malheureusement, vous avez omis d’exiger l’inscription de votre nom sur les actes de propriété de ces immeubles à revenus. Et il est probablement trop tard pour ce faire.

En revanche, il est certainement légitime de déterminer une valeur reconnaissant votre participation indirecte à l’enrichissement de votre mari, valeur que vous soustrairez du prix devant être établi pour la part de ce dernier dans votre résidence principale. Et cette valeur devrait comprendre la moitié du solde restant de l’emprunt contracté sur la résidence principale et la moitié de la plus-value accumulée sur les immeubles à revenus qui, légitimement, aurait dû être à vos deux noms. De la valeur marchande accordée à la part de votre mari dans la résidence principale devrait donc être soustraite la moitié du solde actuel de l’hypothèque prise sur ladite résidence et la moitié de la plus-value accumulée sur les propriétés à revenus. La résultante sera le prix à payer par vous pour acheter la part de votre conjoint dans la propriété familiale.

Cela est ce qui, en toute légitimité, devrait vous revenir. L’autre formule, peut-être moins équitable (tout dépend ici de la plus-value accumulée sur les propriétés à revenus), serait que votre mari reconnaisse que l’emprunt contracté n’a servi qu’à son enrichissement et que, ce faisant, il se porte seul responsable dudit emprunt. Dans un tel cas, le prix payé pour sa part dans la résidence devrait correspondre à la moitié de la valeur marchande de ladite résidence moins le montant initial diminué de sa contribution au remboursement du capital (et non le solde actuel) de l’hypothèque prise sur celle-ci.

Évidemment, tout ce que j’ai dit précédemment se réfère à votre dû légitime. Or, entre légitimité et légalité, il y a une grande différence. En toute légalité, votre mari est propriétaire des immeubles à revenus. Et, en toute légalité, vous deux êtes responsables de l’emprunt contracté sur la résidence principale. Votre mari est certainement dans son droit de limiter sa responsabilité à la moitié du solde actuel de l’hypothèque. Dans un tel cas, le prix à payer pour sa part correspondrait à la moitié de la valeur marchande de votre résidence principale moins la moitié du solde actuel de l’hypothèque grevant ladite résidence. Ce serait là un partage légal mais combien inéquitable envers vous.

J’espère que les propos précédents vous aideront, vous et votre mari, à établir une entente de partage équitable. Advenant une totale discorde, je vous invite alors à consulter un avocat. Car, même si rien ne reconnaît que l’emprunt contracté a servi à l’achat des propriétés à revenus, il serait assez facile de déterminer la provenance des liquidités ayant servi à de telles acquisitions.

Dernier point: pour déterminer la valeur marchande des propriétés, selon le cas, il vous faudra retenir les services d’un évaluateur agréé.

Source Le Devoir