La plus-value en questions

La valeur marchande de votre maison a augmenté de 40 % depuis 1998. En 2003 seulement, elle a crû de 15 %. C’est beaucoup.

Donc, si vous l’avez payée 100 000 $, il y a cinq ans, elle en vaut à présent 140 000 $. Et si vous l’avez achetée en 2002 à 100 000 $, vous pourriez maintenant la vendre 115 000 $.

Naturellement, vous vous en félicitez. Il n’est toutefois pas impossible que vous vous interrogiez aussi sur l’utilité immédiate de cette plus-value. Comme vous n’avez pas l’intention de vendre votre maison, vous êtes sceptique.

L’appréciation de la valeur marchande d’une propriété procure un sentiment de sécurité, puisque cela nous conforte dans l’idée que la maison qu’on habite est un  » investissement « .

C’est ce que constatent Éric Brassard, comptable agréé et planificateur financier, et Nathalie Duchesne, courtière hypothécaire au service de la société Multi-Prêts.  » C’est un baume dans un univers de consommation où il faut souvent payer plus cher pour une qualité moindre « , croit Mme Duchesne.

Une propriétaire dans la quarantaine, qui demande l’anonymat, se souvient que, dans la tourmente des années 1995 à 1997, les logements étaient aliénés sous l’évaluation municipale.  » Nous nous demandions si nous avions quelque chose sous les pieds. À présent, cela ne fait pas de doute. C’est réconfortant « , confie-t-elle.

 » Comme un lot d’actions dont on est détenteur, la maison telle qu’appréciée n’a de valeur que sur papier tant et aussi longtemps qu’on ne la vend pas « , nuance Jean-François Dion, économiste et analyste principal au bureau de Québec de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Un peu comme un trésor caché dans un grenier.

Celui qui vend pour acheter une résidence de même nature ne profite pas davantage de la plus-value. Puisqu’il la transfère à l’autre vendeur. Il la met par contre sur la glace pour en profiter plus tard.

Cependant, si vous voulez habiter votre maison très longtemps, sa plus-value fructifiera, mais à un rythme moindre. D’après des analystes, sa valeur risque aussi de diminuer dans une quinzaine d’années, lorsque la croissance démographique fléchira et secouera le marché immobilier.

 » Cela se traduira alors par une tendance à la baisse du prix des maisons, mais sans heurt dramatique, estime Éric Brassard. Sur une base théorique, si, pour occuper votre maison, vous avez dépensé l’an passé 18 000 $ (remboursement hypothécaire, assurance-habitation, énergie et chauffage, taxes foncières, entretien, etc.) tandis qu’elle s’est appréciée de 10 000 $, vous n’aurez payé que 8000 $ pour vous loger. Ce n’est pas cher.  »

L’appréciation a donc pour effet de réduire les coûts d’occupation. Durant les années 90, au contraire, la dépréciation les augmentait.

Éric Brassard est persuadé qu’il est le temps de vendre. Évidemment, les acheteurs ont la vie moins facile, puisque la hausse des prix limite leurs moyens.

Jean-François Dion croit cependant qu’il est possible, à certaines conditions, de profiter de la plus-value en vendant : en louant un logement ou en achetant une propriété de moindre valeur.

De même, un particulier qui, profitant de son avantage sur un marché de vendeurs, se présente tout de même sur un marché d’acheteurs a un solide pouvoir de négociation. Il a le dessus comme vendeur, puis comme acheteur.

La majoration de la valeur de la résidence abaisse aussi le niveau d’endettement d’un ménage, parce qu’elle donne lieu, au livre, à un accroissement de la richesse. Cette plus-value accroît l’actif tandis que le passif diminue au cours des années avec le paiement d’une partie du capital sur la dette hypothécaire.

En somme, la plus-value conjuguée à la réduction de la dette fait mieux paraître un propriétaire auprès d’un banquier.  » Au lieu de contracter un prêt à la consommation pour exécuter des travaux de rénovation sur sa propriété, un particulier peut demander un élargissement de son prêt hypothécaire à la faveur des bas taux d’intérêt pour les financer « , suggère Jean-François Dion. Du coup, sa période d’amortissement pourrait être raccourcie. Afin de payer plus vite.

Et si la plus-value n’était qu’un mirage ? Après tout, les hausses de prix des maisons n’induisent pas une appréciation vraie et objective par opposition à 1990. Elles viennent seulement rattraper l’inflation. Ce qui est étonnant, c’est que ce rattrapage n’ait eu lieu qu’en trois ans.

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